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Une visite au Bat car 1

Jean-Baptiste Bless
La Nation n° 2287 5 septembre 2025

Ce premier juillet, le lieutenant-colonel EMG Gilles Bonnard accueillait une centaine de visiteurs issus de différentes sociétés d’officiers, mais aussi de l’économie genevoise, pour présenter le célèbre bataillon dont il a repris le commandement. Au terme d’un cours de répétition sur la place d’armes de l’Hongrin, ses hommes présentaient quelques résultats d’exercice, en tir tendu et courbe.

Quelle ne fut pas la surprise des visiteurs d’apprendre que le bataillon avait attendu sept ans d’engagements subsidiaires, puis de cours d’instruction sur les CIC (centres d’instruction au combat), pour reprendre en 2025 les exercices de tir réels! Au menu: attaque après combat de rencontre, combat d’usure, combat dans un barrage. Clin d’œil à l’Histoire, une colonne de T621 remonte depuis la plaine du Rhône pour prendre le Plateau; le bataillon cherche à barrer aux cols d'Ayerne et des Mosses, ainsi que dans le secteur de la Barme, après avoir usé l’ennemi dans l'avant terrain.

Le bataillon est engagé avec trois compagnies de combat, une compagnie d’appui et une d’Etat major. Demain, une quatrième compagnie de manœuvre pourrait venir se rajouter, à l’instar des régiments français.

Si le moral est au beau fixe, les conditions de l’engagement préoccupent la troupe. A l’horizon 2030-2035, une partie des systèmes tombera en obsolescence. Il est ainsi prévu de porter le combat anti-char de 850 m à 5 km grâce au missile portatif Spike LR2, de facture israélienne, et une nouvelle lunette de visée sera introduite en 2026. Un mortier 6 cm offensif, et non seulement destiné à l’éclairage du champ de bataille, devrait être acquis. Après validation, une nouvelle mitrailleuse sur affût aux standards OTAN (belge? américaine?), plus légère et facile à munitionner, pourrait venir remplacer l’actuelle.

De plus, l’évolution du champ de bataille exige à présent l’acquisition de drones tactiques; un nouveau centre d’engagement a notamment pour mission de leur développer une doctrine. Même le fusil d’assaut sera remplacé d’ici 15 ans, avec l’introduction d’un système d’aide à la visée «intelligent» afin de faciliter le tir sur cibles mouvantes. Un moyen de coordination automatique entre les différentes options de feu courbe (mortiers 8.1, 12 et 15.5 mm) doit également être mis en place.

Or ce n’est pas un commandant de bataillon qui va accélérer les cycles d’achat d’Armasuisse, qui sont de huit ans. Sa mission est d’entraîner les troupes avec l’existant. Il doit par exemple improviser face au manque de véhicules de transport blindés: les pièces des uns servent à maintenir en état les autres, tandis qu’une compagnie entière se voit contrainte de rouler en véhicules légers (DURO). En attendant de remplacer le Piranha 1993 par un véhicule équipé d’une mitrailleuse 20 mm… d’ici 2042 selon l’hypothèse de planification.

Quelques questions stratégiques se posent donc: le cycle d’Armasuisse peut-il être accéléré, malgré les difficultés de livraison? Vers quels marchés vont se porter nos achats? Quelle capacité de production serions-nous en mesure de développer par nous-mêmes? Et surtout: quel sera le type d’engagement auquel nous serons confrontés dans notre situation géopolitique propre?

Outre les contraintes de l’institution, le commandant doit aussi se battre à 360° pour garantir l’organisation de son cours: assurer la relève de ses cadres face à des milieux économiques toujours moins compréhensifs, gérer la complexification des systèmes qui rend ardue l’appréciation de la situation sur le terrain, appréhender une disponibilité logistique sous pression, ainsi que des servitudes au sein de la population.

L’inconfort de la situation générale a au moins pour avantage de réintroduire l'incertitude et de favoriser l’inventivité dans l'instruction de la troupe.

Notes:

1   Un char soviétique construit dans les années 60 et 70.

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